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François JAUVION (1971)

Au premier abord, le travail de François Jauvion semble joyeux, coloré et… inoffensif, comme l’artiste lui-même. Les visiteurs s’approchent, ils rient, ils commentent « oh les couleurs flash ! » «  et tu as vu les vaches folles ? » « C’est qui Sainte-Dépression ?” . Et puis les titres des oeuvres commencent à fermenter dans leur cerveau, ça mijote et ça réveille des pensées pas très agréables:  c’est l’effet boomerang, en douceur…

Derrière les couleurs acidulées et l’humour, les thèmes de société se rappellent au bon souvenir des visiteurs qui préféreraient les oublier: dérèglement climatique, Roms, maltraitance des animaux, crise des migrants, faits divers sordides… Si l’esthétique des triptyques et des dessins renvoie souvent à l’univers de la BD ou des dessins animé,s c’est pour faire ressortir l’enfant qui se cache dans chaque visiteur. Un enfant, ça voit la réalité sans filtre et sans a priori, spontanément, et c’est beaucoup plus sensible à l’injustice que les adultes.

Car F. Jauvion dissimule mal une grande tendresse pour les exclus, les faibles et les animaux derrière son humour caustique. En revanche il n’a aucune indulgence pour les multinationales, les tyrans et les prêtres pédophiles: l’artiste serait-il un coeur tendre au fond? Oui bien sûr ! Ses poules enfermées dans le Goulag animalier opinent du bec comme le petit vieux qui confond sa cuillère avec la télécommande: c’est le monde qui est cruel, alors autant en parler avec ironie et tendresse. Les reliquaires constituent ainsi un panorama décalé des fléaux des années 2000, sans hiérarchie et dans le désordre: H1N1, tauromachie, tempête et inondation, chômage… Reliquaires, ex-voto ou ex gris-gris à chacun de se débrouiller avec sa conscience. L’artiste, lui, appuie directement là ou ça fait mal.

Humour caustique et regard d’enfant, couleurs vives mais sujets lourds, aspect religieux pour objets sociologiques, les visiteurs encore sonnés par le boomerang neurologique titubent. Ça se perd vite, l’habitude de réfléchir. Jauvion, l’artiste qui vous met KO sans montrer les poings !

– Olympe Lemut

portait Jauvion
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